Aucune terre n'est promise (2021)

Editeur: Mü éditions; 1er édition (20 septembre 2021)
Pages:
Format: ePUB, PDF, Doc, TXT, MP3, KINDLE, FB2
Langue: Français
Descriptions de livres
... aucune destinée n’est manifeste.
Berlin. Lior Tirosh, écrivain de seconde zone, embarque pour la Palestina, fuyant une existence minée d’échecs. Il espère retrouver à Ararat City la chaleur du foyer, mais rien ne se passe comme prévu : la ville est ceinturée par un mur immense, et sa nièce, Déborah, a disparu dans les camps de réfugiés africains. Traqué, soupçonné de meurtre, offert en pâture à un promoteur véreux, Lior est entraîné malgré lui dans les dédales d’une histoire qu’il contribue pourtant à écrire.
Lavie Tidhar questionne nos identités, et le prix qui leur est attaché. Aucune terre n’est promise est un roman d’une incroyable lucidité sur les enjeux d’Israël, microcosme du monde. Il n’en cède pourtant rien à la poésie, seule utopie capable encore d’incarner la paix.
Aucune terre n’est promise embarque dans une hallucination politique, territoriale et identitaire réussie (...) L’alternatif fait regarder la réalité d’une autre manière, l’enrichit en profondeur.” – Frédérique Roussel – Libération du 20 avril 2021
“Une relecture bluffante de notre histoire.”– Les libraires ensemble
“Une délicieuse suspension dans les dédales de l’histoire.” – Librairie Calligrammes
“Dans cette uchronie magistrale, l’histoire bifurque avant la Seconde Guerre mondiale, par la création d’un état juif en Afrique. L’histoire diffère et se répète, le tourbillon des possibles est étourdissant. Énorme coup de cœur pour un titre qui prendra dignement sa place parmi nos fondamentaux, entre Le Complot contre l’Amérique et Le Maître du Haut château.” – Manon, Librairie Lilosimages


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Désormais partie intégrante des éditions Mnémos, le label Mu se propose d’explorer des territoires de l’imaginaire à la confluence des genres.
Un voyage déjà largement entamé par le passé avec le Moi, Peter Pan de Michael Roch, les Confessions d’une Séancière de Ketty Steward ou plus récemment avec Walter Kurz allait à pied d’Emmanuel Brault.
Pour cette année 2021, voici que Mu se lance dans la traduction en publiant leur premier roman étranger d’un auteur injustement méconnu dans l’Hexagone… et quel auteur !

Lavie Tidhar, celui qui ne trouvait pas sa place
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Cet auteur, c’est l’israélien Lavie Tidhar. Né et élevé dans un kibboutz avant d’émigré en Afrique du Sud puis au Laos pour finir par s’installer à Londres, l’écrivain n’a, pour le moment, pas réussi à percer en France. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir essayé puisqu’on se souviendra notamment de la traduction de son roman Osama — lauréat du World Fantasy Award — dans la défunte collection Éclipse de Panini.
Pour cet auteur de l’ailleurs, la fiction sert avant tout à penser le réel.
« Je pense souvent que je suis un simple écrivain de pulps touché par la folie des grandeurs » déclare-t-il ainsi dans la postface du présent ouvrage : Aucune terre n’est promise. Pourtant, Lavie Tidhar explore méticuleusement les évènements traumatiques de notre époque moderne pour nous interroger sur les possibles, du 11 Septembre à Auschwitz en passant par le conflit israélo-palestinien. Aucune Terre n’est promise s’appuie sur un détail de l’Histoire qui, comme tous les détails, aurait certainement pu changer la face du monde tel que nous le connaissons.

Palestina, ou la Palestine en Afrique
Dans son introduction, Lavie Tidhar explique au lecteur l’origine de son roman. En 1904, Nahum Wilbusch, un jeune juif russe, s’embarque pour Mombasa afin de rejoindre le major Alfred Hill Gibbons, un explorateur anglais, et Alfred Kaiser, un naturaliste suisse. Ensemble, les trois hommes découvrent la région de Nakuru, un territoire à la frontière Ougandaise qu’une partie des juifs « Territorialistes » de l’époque se propose de transformer en « Nachtasyl » (ou « asile de nuit ») capable d’accueillir les juifs d’Europe.
Après cette déplorable expédition ponctuée par une attaque nandi, Wilbusch livre son rapport au Congrès sioniste réuni suite à la proposition extraordinaire de Chamberlain. Son verdict est sans appel : impossible de transformer cette terre inhospitalière en une terre promise.
Le projet est donc définitivement abandonné.
Sauf que… voici que Lavie Tidhar imagine un monde où Wilbusch, confronté à une vision de l’avenir, valide cette proposition et engendre la création de la Palestina au cœur de l’Afrique. Dans cet univers, les juifs ne connaissent pas l’Holocauste et Hitler est assassiné en 1948. Une utopie ?
Pas vraiment puisque la Palestina occupe le territoire des nandis, une peuplade africaine de l’Est du Kenya, et qu’Ararat City devient la cible d’attaques terroristes qui réclament la fin de l’Occupation des Territoires Disputés et la fin des brimades à l’encontre des peuples africains.
Pour se prémunir des attentats, l’état juif décide la construction d’un mur censé les protéger du reste du monde.
Il semble donc que l’Histoire bégaye sérieusement…

Uchronie ou collision des mondes
De ce postulat uchronique, Lavie Tidhar en tire une histoire complexe, protéiforme, fascinante. Son héros, Lior Tirosh, tente de fuir une existence qui tombe en ruines. Cet écrivain de polar/fantasy/science-fiction raté prend le premier avion depuis Berlin pour se rendre en Palestin…a !
Mais comment a-t-il pu oublier la Palestina, sa terre natale qui l’a vu grandir et qui semble encore lovée au plus profond de lui ?
En arrivant à Ararat City pourtant, Lior reconnaît son « asile de nuit », cet asile qui a sauvé les juifs de la guerre en Europe et qui a permis à la nation de prospérer. Mais voilà, les choses ont empiré depuis l’enfance de Tirosh, les attentats se sont multipliés et les nations africaines ne cessent d’attaquer l’état juif d’Afrique. Alors qu’un immense mur autour de la ville cristallise toutes les tensions, Lior se retrouve mêlé à une sale histoire de meurtre et d’enlèvement dans laquelle sa nièce Deborah risque sa vie. De là, le lecteur s’imagine déjà l’histoire policière qui en découle, l’enquête et les indices, les retournements de situation et les coups fourrés.
Sauf que…
Sauf que Lavie Tidhar n’a en réalité pas juste construit une uchronie mais… un monde parallèle au nôtre ! Petit à petit, pièce par pièce, l’écrivain nous explique que la Palestina n’est qu’une version différente de notre Palestine et qu’il en existe d’autres, beaucoup d’autres. Nous faisons ainsi la connaissance de Nour, une visiteuse qui voyage entre les mondes et qui cherche à rétablir l’équilibre dans le multivers… son monde à elle ne compte plus de Jérusalem mais une immense place vitrifiée, un « petit Holocauste » dont personne ne connaît l’origine. Puis vient l’enquêteur-spécial Bloom et son Atneuland, une Palestine pacifiée où les Juifs vivent dans le bonheur et l’harmonie avec les quelques arabes qui restent là. Un pas de côté et le lecteur peut vite se retrouver face à des Abominations, à des dinosaures, à des homo erectus, à des créatures Lovecraftiennes… Une infinité de mondes, une infinité de possibles.
Pour illustrer cette pluralité de mondes, Lavie Tidhar choisit un mode narratif pluriel en « je » (Bloom), en « tu » (Nour) et en « il » (Tirosh).
Trois points de vue narratifs pour illustrer la collision des mondes et des perspectives.
Aucune terre n’est promise n’est pas une simple enquête policière, c’est aussi une histoire de science-fiction, de fantasy, de fantastique, de fiction politique.
Un organisme hybride qui incarne la vision de son auteur qui lutte constamment pour trouver une autre voie au monde décevant qu’il connaît.
À travers son double-littéraire, l’écrivain raté Tirosh, Lavie Tidhar livre son auto-critique (et celle de l’imaginaire au passage) tout en s’interrogeant sur le pouvoir réel de la littérature face aux injustices de notre époque.
Une interrogation d’autant plus importante de la part d’un auteur juif lorsque l’on en vient à parler du fameux conflit israélo-palestinien.

Quand le réel se dissout dans l’imaginaire
Ne nous y trompons pas. Malgré ses dehors science-fictifs, ses mondes-parallèles et ses créatures parfois étranges aperçues du coin de l’œil, Aucune terre n’est promise reste avant tout une méditation historique sur l’état d’Israël et la place des Juifs dans le monde. Lavie Tidhar constate l’échec de son peuple quelque soit la voie qu’il emprunte. Il y aura toujours un oppresseur et un oppressé. Même en troquant la Palestine pour la Palestina, l’Histoire tourne en boucle, retrouve des camps de réfugiés temporaires devenus permanents, des populations déplacées et humiliées, des territoires occupées et des territoires disputés, des attentats et des forces de défense… Ce qui semble le plus étrange dans ce multivers, c’est que certains éléments historiques semblent se répéter d’une façon ou d’une autre.
C’est que l’Histoire, quoique l’on fasse, finit par bégayer, s’enrayer.
De là, Tidhar poursuit son analyse de l’intrication du réel, de la dualité des choses. Du juif perpétuellement incomplet, du peuple sans terre qui finit par en priver un autre et par construire des murs qui séparent les mondes comme Lior, Nour et Bloom se heurtant aux différentes réalités qu’ils finissent par confondre.
À force d’y croire, chacun voit un monde différent, personne n’est le méchant, personne ne prend ses responsabilités et les personnages d’Aucune terre n’est promise finissent par se fondre dans le monde qu’ils désirent.
Mais, s’il n’existait qu’un monde, que ferions-nous ?

Melting-pot de genres et de peuples, de réalités et d’imaginaires, Aucune terre n’est promise s’impose comme une brillante réflexion sur la condition juive à l’heure du conflit israélo-palestinien ainsi que sur ces ramifications de l’Histoire qui auraient pu tout changer. Terrassant les murs et évitant les clichés, Lavie Tidhar offre au lecteur un grand roman, l’un de ceux qui interpelle et fascine durablement.
Justaword.fr


5/5

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