Le peuple des Rennes - L'intégrale (2021)

Après le succès impressionnant des séries L'Assassin Royal et Les Aventuriers de la mer, les éditeurs français se battent pour publier les romans précédents que l'auteure a écrit sous son nom, Megan Lindholm, et pas sous son pseudonyme, Robin Hobb.
Même si Le Pré aux Clercs a publié ce roman dans sa collection Fantasy, je ne suis pas sûre qu'il fasse vraiment partie de ce sous-genre, je dirai qu'il est plutôt à la frontière de plusieurs genres.
Tillu est une guérisseuse, et elle offre ses capacités et ses connaissances aux tribus avec lesquelles elle vit quelques temps. Quelques temps seulement, car l'étrangeté de son fils Kerleu suscite malaise et rejet de la part des hommes, et elle ne reste jamais longtemps dans la même tribu. Seulement cette fois, ce n'est pas parce que son fils est rejeté qu'elle décide de partir s'installer seule avec lui dans les forêts d'une contrée polaire. Le shaman de la tribu a vu en Kerleu un apprenti, il a commencé à lui enseigner son savoir, et les étranges pouvoirs de son fils semblent capables de semer la malédiction et la mort, ce qu'elle ne veut à aucun prix.
Elle fuit donc cette tribu et son shaman, Carp, déterminée à faire de son fils un homme, rien de plus mais rien de moins. Toutefois, sa solitude ne dure guère car elle s'est installée sans le savoir à proximité du campement d'hiver d'un peuple qui domestique les rennes. Et Carp n'a peut-être pas renoncé à récupérer son apprenti pour achever sa formation.
Sur le quatrième de couverture, on parle d'une "éblouissante saga préhistorique", et c'est bien le seul repère temporel que nous ayons, car rien dans le texte ne laisse deviner l'époque à laquelle se situe cette histoire. Le cadre est totalement dépaysant, et le récit, qui entrecroise présent, souvenirs et points de vue de différents personnages, n'a rien de linéaire. Il faut un peu de temps pour bien entrer dans l'intrigue, mais on est récompensé de son effort en découvrant des personnages complexes, de cultures différentes, qui ont d'ailleurs pour cette raison bien du mal à se comprendre entre eux. On retrouve là l'art de Megan Lindholm / Robin Hobb de décrire des personnages empêtrés dans leurs contradictions personnelles et qui ont tendance à interpréter de travers les comportements de leurs congénères, ce qui était l'une des principales caractéristiques de Fitz, le héros de L'Assassin Royal.
A la décharge de l'éditeur, on peut tout de même reconnaître que les passages où Kerleu (et parfois d'autres personnages) s'aventure dans le monde des esprits shamaniques méritent le qualificatif de fantastiques, mais à part ces passages, ce roman n'a rien à voir avec ce que recouvre habituellement le terme de fantasy, je parle des avatars de Tolkien, avec nains, elfes et surtout un côté du Bien et un côté du Mal clairement définis. Ici, où est le bien, où est le mal, bien malin qui pourra le dire, même si certains personnages sont clairement antipathiques. Sinon, en reprenant le terme de "saga préhistorique", on peut rapprocher le texte de la série Les Enfants de la Terre de Jean Auel, à la nuance près que nous sommes ici beaucoup moins abreuvés de détails concernant la faune, la flore, la géographie et le climat préhistoriques.
En résumé, et pour ne pas m'étaler plus que nécessaire, un bon roman, assez déroutant pour que l'on s'y attarde et dont on attend le deuxième volume (qui devrait être le dernier si l'on en croit le site de l'auteure précédemment cité) avec curiosité...


4/5