Eriophora (2020)

Editeur: Le Bélial (17 septembre 2020)
Pages: 188 pages
Format: ePUB, PDF, Doc, TXT, MP3, KINDLE, FB2
Langue: Français
Descriptions de livres
Ils sont trente mille.
Ils voyagent depuis soixante millions d’années.
Leur mission : déverrouiller la porte des étoiles…
Avez-vous jamais pensé à eux ?
Aux Progéniteurs, aux Précurseurs — qu’importe le nom que vous leur avez choisi cette semaine —, ces dieux anciens disparus qui ont laissé derrière eux leurs portails et leurs autoroutes galactiques pour votre plaisir ? Avez-vous jamais cessé de vous demander ce qu’ils ont vécu ?
Pas d’hyperespace de seconde main pour eux. Pas d’épaules de géant sur lesquelles se dresser. Ils rampent à travers la galaxie, pareils à des fourmis, en sommeil pendant des millénaires, se réveillant juste assez longtemps pour lancer un chantier d’un système solaire à l’autre. Ils vivent au fil d’instants répartis le long des millions d’années, au service d’ancêtres morts depuis une éternité, pour des descendants n’ayant plus rien de commun avec eux. À vrai dire, ce ne sont pas des dieux mais des ouvriers, des hommes des cavernes vivant dans des astéroïdes évidés, lancés dans une mission sans fin pour étendre un empire posthumain qui ne répond même plus à leurs appels…

Commentaires

Pour ceux qui ne le sauraient pas encore, le canadien Peter Watts est un génie de la science-fiction. Un génie déprimant à souhait mais un génie quand même. On lui doit par exemple l’un des meilleurs romans de SF de tous les temps, Vision Aveugle, et une flopée de nouvelles toutes plus excitantes les unes que les autres dont une bonne partie peut se lire en français dans l’excellent recueil Au-Delà du Gouffre publié au Bélial’.
Et puisque le Bélial’ aime les novella (et que Peter Watts persiste à dire que le présent ouvrage en est une), c’est avec la traduction d’Eriophora que l’aventure du canadien se poursuit dans l’Hexagone.

De l’art du Sense of Wonder
Eriophora se situe dans le même univers que plusieurs des nouvelles présentes dans Au-Delà du Gouffre et notamment Éclat. N’ayez crainte, il n’est absolument pas vital de les avoir lues pour aborder cette (longue) novella.
Pour faire simple, le récit de Peter Watts nous emmène à bord de l’Eriophora (qui est aussi une espèce d’araignée, Adrian Tchaikovsky n’est pas le seul à aimer ces bestioles) qui a pour principal particularité d’être un vaisseau à trou noir ou, plus concrètement, un gigantesque astéroïde dont le centre renferme une singularité. En naviguant à travers la galaxie, ce vaisseau étonnant lancé au XXIIème siècle après Ponce Pilate embarque 30.000 passagers humains (modifiés) que l’IA de bord, surnommée Chimp et volontairement stupide pour les besoins de la mission, réveille de temps à autre (comprendre de 100.000 ans en 100.000 ans) pour résoudre des problèmes trop complexes et/ou trop inattendus pour sa cervelle trop mathématique et protocolaire. Mais au fait, quelle est la mission de ce vaisseau qui voyage à travers la galaxie depuis 66 millions d’années ? Construire des portails (à l’aide de machines de Von Neuman) utilisant des trous de vers pour permettre aux humains qui les trouveront un jour de voyager beaucoup plus rapidement.
Alors si ce résumé ne vous suffit pas à éprouver le sense of wonder par Peter Watts, sachez qu’il sera également question de gigantesques créatures (démons ? aliens ?) pouvant jaillir à tout moment d’un portail récemment créé, qu’on explore des forêts enfermées dans des grottes au plus profond de ce vaisseau-astéroïde et qu’on assiste aussi à la mort d’une étoile. Si vous vouliez faire un tour de la galaxie en mode ébahissement, vous avez sonné à la bonne porte ! D’ailleurs, contrairement à un Greg Egan (souvenez-vous de Diaspora), Peter Watts ne vous largue jamais sous les éléments scientifiques de son récit et, mieux, arrive à en vulgariser la plus grande partie (avec un tuyau d’arrosage par exemple). Autant dire que si vous vouliez de la Hard-SF accessible au commun des mortels, vous avez aussi frappé à la bonne porte.

De la dictature à long terme
Pourtant, croyez-le ou non, Eriophora n’est pas tant une histoire de trous de ver, de machines de Von Neuman ou de niches biologiques qu’une histoire humaine…et politique. Car si l’on pourrait croire de prime abord que Peter Watts va nous raconter par le menu les péripéties de cette fine équipe pour construire un réseau de voyage intergalactique hors norme, il n’en est rien, ou presque.
La narratrice, Sunday Ahzmundin (que l’on connaît de la nouvelle Éclat, justement) n’est pas simplement là pour nous expliquer comment marche cette folle entreprise mais plutôt pour nous montrer les sacrifices qu’elle demande. Séparés en tribus, les membres de l’équipage de l’Eriophora sont alternativement considérés en tant que viande ou spores. En d’autres termes, ils sont sacrifiables, corvéables, au moins pour le bénéfice du plus grand nombre et de la sacro-sainte expédition. Chimp, dès lors, devient l’autorité en place, sorte de Dieu calculateur entièrement dénué d’humanité et programmé pour la réussite, peu importe le coût humain. Ne vous méprenez pas cependant, Chimp n’a pas grand chose d’un grand méchant, ou même d’un méchant qui se découvre un cœur, Chimp est une IA qui doit gérer un calcul complexe entre bénéfice et risque, coût et efficacité. Si ce qu’il sacrifie pour y parvenir vous paraît inhumain, c’est bien par votre perception de viande sensible et fragile.
Dans un système qui ne tolère pas l’échec (sous peine de mort et de néant interstellaire), peut-on confier toute la responsabilité de l’espèce à une créature émotionnelle et irrationnelle ? La question politique (et même philosophique, soyons fous) semble prendre le pas sur le reste et l’on s’en réjouit tant le raisonnement de Peter Watts multiplie les subtilités et les ambiguïtés.
Au centre du jeu, la révolution ! Un phénomène hautement humain s’il en est mais extrêmement complexe ici puisque Chimp voit et contrôle tout. Comment faire pour se révolter avec ce Big Brother 2.0 dans les parages et en se réveillant tous les 100.000 ans ? Peter Watts se propose de vous répondre en deux cent pages, multipliant les codes et les zones blanches (jusqu’à encoder un message dans son texte) pour captiver son lecteur jusqu’à la fin et à l’inévitable révélation.
La révolution ou l’esclavage ? La docilité ou la liberté ?… ces notions ont-elles encore un sens dans un tel endroit projeté 66 millions d’années après les Lumières ? À vous de voir…

Voyage spatial et réflexion sur le pouvoir, Eriophora vous transporte dans l’univers impitoyable et redoutable de Peter Watts avec un condensé de ce qu’il fait de mieux : utiliser la technologie et le sense of wonder pour réfléchir aux limites humaines. Et on en redemande !
Justaword.fr


5/5

Lien pour télécharger le fichier: ePUB
TÉLÉCHARGER
Lien pour télécharger le fichier: PDF, Doc, TXT, MP3, FB2, KINDLE
TÉLÉCHARGER
Lire en ligne gratuitement: EBOOK
LIRE en LIGNE
Les meilleures en Ebooks