Le Chardonneret (2014)

Du Chardonneret il me reste: le début, si fort, qui nous conte cette matinée où la vie de Theo bascule soufflée par une explosion au Metropolitan Museum of Art. S’il s’en relève emportant avec lui deux objets dont un tableau, sa mère s’en est allée pour toujours. Il me reste Manhattan et la 5ème Avenue, la famille Barbour. Je garde en mémoire Las Vegas, les portes du désert, cette chaleur et cette lumière, la rencontre avec Boris, ces deux adolescents esseulés qui sombrent, s’abîment et grandissent trop vite, Le Chardonneret dans une taie d’oreiller. Manhattan, Hobie et ses meubles, Pippa ou l’amour de toujours, Kitsey ou l’amour paillettes, Le Chardonneret et une toile de tente dans un garde-meubles. Amsterdam, son red light district, le bruit et la fureur à cause du Chardonneret. L’art qui attise toutes les convoitises, l’art qui est le sel de la vie de Theo car il était le sel de la vie de sa mère. C’est tout ceci ce roman, c’est bien plus encore. C’est une épopée à la Dickens sur les traces de ce petit garçon qui devenu grand n’aura de cesse de chercher sa mère dans ses songes, qui n’aura de cesse de tenir une promesse. Cet oiseau peint par un peintre flamand a un fil à la patte, comme ce lien qui lie Theo à cette oeuvre. « L’art et rien que l’art, nous avons l’art pour ne point mourir de la vérité »(Nietzsche) c’est l’ouverture de la cinquième partie du roman de Donna Tartt. Quelle magnifique épopée que la vie de Théo, une épopée littéraire, portée par un style singulier. Il a fallu huit ans à l’auteure pour nous livrer Le Chardonneret en 2014. Donna Tartt a un talent de conteuse inégalé, les descriptions qu’elle nous dessine sont dignes de plusieurs tableaux de maîtres, les personnages sont non seulement attachants, même les plus ignobles, mais également magnifiquement dépeints. Le rythme est soutenu, il m’a fallu parfois reprendre deux ou trois pages avant pour retrouver le fil dans ce kaléidoscope temporel. C’est drôle, acide, tendre, émouvant, lent et rapide à la fois. C’est une histoire d’amitié avant tout que ce roman. De celles qui nous ouvrent la voie autant qu’elles nous enferment, tout ceci à cause d’un oiseau sur fond jaune qui s'est décroché lors d’une explosion. Je rends hommage à la traduction qui est irréprochable. J’aurais finalement aimé lire cet ouvrage dans le texte, j’aurais sans doute mis plus de huit semaines pour le lire en anglais. Tout auteur devrait le lire car il y a beaucoup à apprendre sur la maîtrise de la narration, sur la trame, sur les personnages. Vous l'avez compris, Le Chardonneret fait partie des « must read » de la littérature contemporaine américaine.


4/5