Dissonance (2022)

« L’exil est une espèce de longue insomnie. » Le poète avait raison. Depuis que j’ai quitté mon Italie natale pour une grosse boite de design sur Paris, tout part en vrille. A Rome, je ne passais pas une semaine sans aller au musée, sans sortir dans les meilleurs restos, sans faire un foot avec les copains. Maintenant, j’étouffe dans la capitale française, pris dans la grisaille d’une vie monotone.
Le boss m’appelle en écorchant une nouvelle fois mon prénom. Sandro, c’est pas compliqué, pourtant ! Je n’ai pas le temps de le rejoindre que les battants de nos locaux s’ouvrent. L’armoire à glace au visage fermé qui entre porte les mêmes baskets, les mêmes joggings moulants, les mêmes sweats que tous les rappeurs qui trainent ici. Normal, BlueDot produit depuis plus de dix ans les meilleures pochettes d’albums, les plus grands clips du son urbain français.
 Tous les collègues chuchotent en l’apercevant. Personne ne l’a vu depuis des mois. Sa démarche assurée fait taire leurs rumeurs de séjour en prison. Quand ses yeux noirs se posent sur moi, je supplie mon visage parsemé de tâches de rousseur de ne pas rougir. Qui est ce mystérieux Yanis qui réclame de ne travailler qu’avec moi ? Et vais-je résister à son appel à quitter ma vie tranquille pour plonger avec lui ?

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