Le Moment est venu de dire ce que j'ai vu (2015)

C'est en tant que témoin privilégié se trouvant souvent aux premières loges (fonctions et postes occupés, relations sociales, politiques et personnelles) que Philippe de Villiers nous compte quelques moments "privilégiés" qui sont bien souvent autant de renoncements, d'abandons, de trahisons (voire de haute trahison), et aussi, autant d'étapes sur une pente qui nous a mené où nous sommes aujourd'hui, au bord d'un gouffre sans fond, livrés pieds et poings liés et la bouche bâillonnée, aux pires utopies universalistes et aux adorateurs du veau d'or, à ceux qui s'arrogent le droit de nous imposer leur vérité et n'en ont plus rien à foutre de notre héritage et des générations passées (on pense irrésistiblement à Edward Gibbon et à son "Histoire de la décadence et de la chute de l'Empire romain").
On le voit bien à travers ces lignes ils ont lentement et totalement investi tous les espaces de pouvoir et toutes les institutions, politiques, sociales et culturels profitant largement (mais pas uniquement) d'un changement de génération (1968 n'y est d'ailleurs pas pour rien) et nous le font durement sentir aujourd'hui, s'affichant comme les porteurs d'une vérité unique qui ne saurait souffrir d'aucune contradiction.En outre, ils ont manipulé les mots et leur signification, niant les valeurs et corrompant les termes en les vidant de leur substance initiale pour leur substituer des concepts de leur acabit.
A un moment, Philippe de Villiers s'est aperçu, qu'on le considérait encore, malgré les importantes fonctions qu'il occupait, comme un provincial, en somme comme un inférieur non initié et attardé, porteur de valeurs rétrogrades et dépassées, non introduit dans les cénacles du pouvoir parisien. Il touchait la l'un des problèmes consubstanciels du mal français.Esprit de caste et d'idéologie aidants, cela constitue, même si peu d'historiens l'ont vu, un aspect et non des moindres de la guerre d'extermination qui fut menée par la révolution aux populations de l'Ouest.
Il n'est naturellement pas nécessaire de partager l'ensemble des valeurs ou des opinions de l'auteur pour prendre connaissance des faits qu'il énonce et qui constituent un témoignage de première main. Il est, en effet, urgent de lire cet ouvrage qui contient l'essentiel (mais pas la totalité loin de là) de l'infamie actuelle et passée (relatif à nombre de sujets importants : le vrai visage de l'Europe et les lobbys qui construisent nombre de ses décisions, "le chassé-croisé démographique" (doux euphémisme), la corruption (et l'utilisation de structures ou d'institutions dotées d'une mission de service public pour couvrir l'illégal en cas de besoin)...) mais on reste perplexe devant certains faits et certains amis politiques de l'auteur et dans son engagement on ressent bien souvent l'impression d'un combat d'arrière-garde et presque la conscience d'un baroud d'honneur. Son action semble bien souvent teintée de limites et d'insuffisances. Comment ne pas être perplexe sur le sérieux de ses "amis" quand, au soir du référendum sur le traité de Maastricht, Séguin et Pasqua accueillent l'auteur une coupe de champagne à la main pour fêter un résultat qui n'étaient pas favorable à l'opinion qu'ils défendaient, parce qu'ils n'avaient simplement pas prévu ce qu'ils feraient si leur thèse gagnait ? Comment ne pas l'être quand l'un des comparses se retrouve peu de temps après chez les europhiles ?
Les biens-pensants pourraient accuser l'auteur de faire un portrait à l'emporte-pièce. Malheureusement, tous ces éléments de détails, toutes ces anecdotes, toutes ces confidences et ces situations vécues, dans les sphères de pouvoir et de décision et ailleurs, ne font que confirmer d'autres faits et des conclusions identiques qu'il est aujourd'hui bien facile de faire pour peu, que l'on prenne quelque recul pour réfléchir et que l'on ne souhaite pas simplement, comme nombre de contemporains baignant dans leur petit bonheur qu'ils croient éternel, se boucher les yeux (et les oreilles) et, en se laissant bercer, profiter béatement du spectacle que l'on veut bien nous donner à voir, peuplé de mensonges et de faux-semblants.
Naturellement, tout cela est choquant mais le pire est à venir car ce n'est pas une classe politique française dans son immense majorité à la dérive (et d'un niveau consternant), séduite par les sirènes mondialistes qu'elle juge (à tort) inéluctable ou qui, simplement, s'y abandonne sans réagir et sans état d'âme qui sera susceptible de renverser la vapeur. Nous ne parlerons pas de ceux qui sont l'émanation même du pouvoir mondialiste !
Les quelques rares voix isolées qui peuvent encore s'élever aujourd'hui auraient bien du pain sur la planche si elles gagnaient les élections, car, ce n'est plus aujourd'hui seulement un problème de changement de majorité qui leur ferait gagner la partie tant le mal est profond.
Quel contraste avec ces hommes qui ont incarné ou incarnent encore aujourd'hui, contre vent et marée, leur pays et l'héritage de celui-ci et qui étaient prêts ou sont prêts à affronter l'avenir et les défis du présent avec droiture et honnêteté, ces Soljenitsyne et ces Poutine, hommes debout dont nous parlent l'auteur, deux exemples venus du monde russe que Philippe de Villiers a rencontré et qui nous montrent qu'une autre voie est possible ! D'autres aussi, ont entrepris la même démarche ailleurs, s'exposant logiquement à tous les sarcasmes du système et à un combat permanent avec celui-ci.


5/5