À la recherche de Céleste Albaret (2022)

Genre: Histoire
Editeur: ‎ Flammarion (29 septembre 2021)
Pages: 453 pages
Format: ePUB, PDF, Doc, TXT, MP3, KINDLE, FB2
Langue: Français
Descriptions de livres
Longtemps encore, le nom de Céleste Albaret sera associé à celui de Marcel Proust, qui la nommait « mon amie de toujours » et lui avait déclaré : « Sans vous, je ne pourrais plus écrire. » Entrée à son service en août 1914, elle y restera jusqu’au dernier souffle de l’écrivain. Si la légende dorée de « la servante au grand cœur » est bien connue, l’histoire de la véritable Céleste, muse et inspiratrice, demeurait inédite.
Le hasard – ou est-ce la providence ? – a décidé de la rencontre improbable entre cette belle jeune femme tout juste arrivée de sa Lozère natale et « Monsieur Proust ». Entre eux, le coup de foudre est immédiat, la fascination réciproque . Plus rien ne pourra les séparer : Céleste sera de tous ses jours et ses nuits, de tous ses secrets ou presque… En 1922, la mort de Marcel la laisse comme apatride, étrangère parmi les siens, incapable de s’adapter à la vie ordinaire. Elle deviendra la témoignante, incarnation de l’écrivain dès les années 50 pour tous les aficionados.
S’appuyant sur des archives originales et sur l’abondante correspondance proustienne, Laure Hillerin a mené une enquête rigoureuse et fouillée. Pas à pas, elle fait revivre l’héroïne, vive, nature, dont le quotidien avec Proust sera l’un des temps forts du récit ; la biographe bouscule les stéréotypes pour dessiner le portrait d’une femme étonnante, un portrait d’autant plus nécessaire qu’il participe d’une extraordinaire aventure humaine : l’écriture de la Recherche, œuvre majeure du XXᵉ siècle. Après la comtesse Greffulhe, l’ombre des Guermantes, voici, enfin retrouvée, Céleste « Albaretine »…

Commentaires

Voilà, donc, une Céleste née alors que le XIXe siècle s’éteint, à Auxillac, à peine une bourgade perdue dans une Lozère austère. Rien, au vrai, qui puisse la distinguer de son entourage. La vingtaine passée, elle convole avec un « pays », Odilon Albaret, installé de longue date à Paris, où il est chauffeur de taximètre. Parmi ses clients les plus assidus, un homme étrange, généreux, et qu’il trouve « très gentil » : Marcel Proust. Il lui rend à l’occasion quelques services, et sait que, dans le service de l’appartement du boulevard Haussmann, tout ne se passe pas au mieux
Dès le début de la Grande Guerre, Odilon est mobilisé. Il a présenté sa jeune épouse, qui s’ennuie mortellement dans leur petit apparemment de Levallois-Perret, à cet original qui vit et écrit la nuit. Très vite, Monsieur Proust a l’œil qui pétille. Très fin psychologue, il a discerné chez cette toute jeune femme des qualités rares, qui semblent aller au-delà du dévouement. Il l’a élue, et elle-même a tôt fait de s’imposer, seule, au service de cet oiseau de nuit. Ce qu’elle ignore, c’est qu’elle va passer plus de huit ans au service d’un maître tyrannique.
Il lui faut tout faire : Monsieur est inapte absolument à ce qui tisse le quotidien de la commune humanité et ignore jusqu’à l’usage d’un bouton d’ascenseur. Il faut à Céleste répondre dans l’instant à la sonnette impérieuse qui exige l’essence de café, un croissant, de l’encre, une bougie pour ses fumigations, un tricot de supplément ou une bouillotte. Céleste court les rues de Paris en quête d’une drogue quelconque, de denrées diverses qu’il n’est possible d’acquérir que chez un fournisseur attitré. Il lui faut remettre en mains propres, y compris au milieu de la nuit, un pli urgent et attendre à l’occasion la réponse, multiplier des téléphonages intempestifs, éloigner les fâcheux. Peu à peu, une intimité se crée, complexe. Monsieur est attendri par cette Céleste bien jolie, qui a le don de le faire rire aux larmes. Tout pourtant sépare ces deux-là : les origines, le milieu social et, surtout, la culture. Mais Céleste, toute d’attentions, n’a pas le tempérament d’une domestique, et il le sent. Admirative, elle subit cet esclavage parce qu’elle a perçu derrière l’homme souffrant un être supérieur voué à une tâche dont elle saisit mal, d’emblée, le but ultime, mais qu’elle sait vitale. Viendra un moment où elle y mettra la main, modestement, collant à l’occasion les béquets dont est truffé l’invraisemblable manuscrit. Elle sera là pour recueillir le dernier souffle de celui qu’elle aura fini par vénérer, épuisé par l’asthme, et une œuvre sans exemple qui a dévoré sa vie. Il ne restera plus à Céleste que de poursuivre la sienne, dans l’adoration de celui qui l’a, pour jamais, illuminée. Jusqu’à lui consacrer, un gros demi-siècle plus tard un ouvrage qui fera du bruit.
Rien n’est plus délicat que d’écrire la biographie d’une personnalité, quelle qu’elle soit, qui a rédigé ses mémoires. L’écueil, pour dire les choses crûment, est double. Soit on répète - le plus souvent mal - ce qu’a raconté le mémorialiste, soit on s’échine à traquer les menues inexactitudes, voire les erreurs, avec tout ce peut supposer de hargne ce travail de pion. Moyennant quoi on apprendra, par exemple, que Chateaubriand n’a jamais manqué être happé par les chutes du Niagara, si tant est qu’il les ait même vues…
L’auteur de ce livre, dont l’empathie pour son sujet transpire à chaque page, a su éviter l’un et l’autre. Laure Hillerin connaît son Proust sur le bout des doigts, vie et œuvre. Et elle puise à des sources multiples et sûres. Certes, elle sait, à la lecture de l’énorme correspondance de « Monsieur », que tout n’a pas, toujours, été aussi rose que Céleste a bien voulu le dire. Elle avait ses défauts, que Proust épingle, et son tempérament est autoritaire. On sait qu’elle menaça, un jour, de rendre son tablier, tablier qu’elle n’a d’ailleurs jamais porté, ayant la claire conscience qu’elle n’était, et ne serait jamais une servante. L’auteur a su rendre explicite le lien qui unit ces deux âmes si dissemblables. Et la très longue fidélité de celle dont est on a sondé « the woman within », la femme à l’intérieur, pour paraphraser un grand écrivain anglais.
Après la mort de « Monsieur » commencera une vie difficile . Avec Odilon - assez bon pour cohabiter le reste de sa vie avec un fantôme…-, elle gérera, rue des Canettes, un hôtel sordide où échouent par dizaines des émigrés sans le sou. C’est là qu’elle recevra avec générosité, dans un réduit sans fenêtres, tout ce que les affidés d’antan et le gotha des proustiens, la gloire venue, tardivement, pouvait compter de spécimens, sincères ou intéressés, venus de partout. La nièce de l’écrivain, fort riche, lui fera bien une petite pension. Très petite.
Après la mort d’Odilon, Céleste assurera le gardiennage de la maison de Maurice Ravel à Montfort-l’Amaury, une bonbonnière où l’on défile, pour entendre parler de… Proust. On interroge cette femme toujours séduisante, intarissable sur celui qui est devenu pour elle une divinité. Elle est la pièce majeure de «  la proustification de Proust », dans la presse, les radios ou la télévision. Plus qu’octogénaire, elle élabore avec un faiseur habile, Georges Belmont, un ouvrage dont la parution déchaîne les passions, surtout mauvaises. Que vient donc faire cette boniche, avec ses gros sabots, dans l’histoire littéraire, et une histoire aussi subtile, où se perdent les exégètes ? Pouah ! Quelques-uns s’interposent. Assez peu. Céleste s’en moque, d’autant que son livre connaît un réel succès, qui dépasse les frontières. Dans Auxillac, où elle passe ses étés, la jalousie rôde, et les propos se font aigres.
Honorée, Céleste vit une vieillesse heureuse dans la jolie maison qu’a fait construire pour elle sa fille unique, Odile. Des fleurs enfin, pour celle qui en fut longtemps privée. Elle meurt paisiblement, à plus de quatre-vingt-dix ans, dans son sommeil.
Un bien beau livre.



5/5

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