La raison gourmande (Figures) (2022)

Editeur: ‎ Grasset (1 avril 2014)
Pages: 266 pages
Format: ePUB, PDF, Doc, TXT, MP3, KINDLE, FB2
Langue: Français
Descriptions de livres
Parmi les cinq sens, l'olfaction et le goût sont les plus décriés, car ils rappellent avec trop d'insistance que l'homme n'est pas seulement un être qui pense, mais qu'il est aussi un animal qui renifle, sent et goûte. D'où le discrédit jeté sur ces deux sens et ce qu'ils permettent : la gastronomie, l'art de manger et de boire. Or, on peut entendre la gastronomie comme une discipline qui voit le jour après la Révolution française, avec l'effondrement de l'Ancien Régime ; une philosophie du goût n'est pas pensable dans les catégories classiques de la pensée occidentale. Seule une perspective hédoniste permet d'aborder ce sujet d'une manière spécifiquement philosophique. La Raison gourmande se propose de répondre positivement à la question de Nietzsche : y a-t-il une philosophie du goût ? L'ouvrage est composé sur le mode contrapuntique : un chapitre solide, un chapitre liquide. Dom Perignon, Grimod de la Reynière, Brillat-Savarin, Carême deviennent ainsi - avec Leibniz, Descartes et Condillac - les héros de ce livre savant et drôle. Chaque fois, l'auteur s'interroge : quelle est la métaphysique promise par un ragoût ou une cuisson ? Et, inversement : de quelle technique gastronomique s'autorisent les grands systèmes philosophiques ?



Commentaires

Huit chapitres composent cette oeuvre de Michel Onfray. Ils sont respectivement intitulés : « Petite théorie des bulles », « Politesse gourmande et scène gastronomique », « Voies d'accès aux génitoires », « L'Utérus, la truffe et le philosophe », « Brève mythologie des religions excitantes », « L'Empire des signes culinaires », « Célébration de la part des anges » et « Esthétique de l'éphémère ». Tout du long, l'auteur se propose de soutenir la thèse selon laquelle la gastronomie est une science et un art et, en tant que telle, invite à la reconnaissance d'une éthique et d'une esthétique ressortissant de l'ensemble des Beaux-Arts.

Au cours du Prologue qui ouvre le sujet, Michel Onfray fait partager au lecteur le récit d'une rencontre s'avérant décisive dans l'élaboration de son projet d'écriture. C'est en effet dans le contexte d'une entrevue avec Denis Mollat, célèbre libraire-éditeur de Bordeaux, qui l'invita un soir à dîner dans un grand restaurant de la ville, que germa en lui l'idée de s'intéresser de manière très approfondie à l'art de la table et plus particulièrement à l'histoire et à la philosophie du goût (« Je souhaitais partir au plus vite. Denis Mollat m'invita à dîner. J'ai accepté [...] Je m'inquiétais auprès de Denis Mollat, comme auprès d'un grand frère expert, des émotions et des sensations, des plaisirs et des bonheurs. »)

C'est ensuite par un traité sur l'esthétique et la fabrication du champagne que débute le discours philosophique. Ainsi, dans ce premier chapitre comme dans les deux suivants, Onfray célèbre la figure de l'« Homo bulla », autrement dit celle de l'homme dont le plaisir consiste dans le processus de fabrication et de dégustation du vin. À cet égard, il s'appuie entre autres sur un argument d'autorité qui conféra à la gastronomie ses lettres de noblesse : le philosophe des Lumières Brillat-Savarin. D'un autre point de vue, prenant le personnage biblique de Noé pour exemple, l'auteur considère l'ivresse comme un phénomène naturellement lié aux effets de l'alcool et qui peut être positivement perçu dans la mesure où il ne sombre pas dans l'alcoolisme, hors des limites de la raison et du raisonnable (« Car l'ivresse est magique et conduit en des contrées qui éclairent, illuminent et renseignent sur le fonctionnement de la raison, sur ses limites [...] L'ivresse de l'alcoolique suppose un homme devenu objet, incapable désormais de s'abstenir de boissons troublantes. »)

Puis le discours s'ancre progressivement dans un portrait historique, chronologique, du gastronome en artiste et en praticien hédoniste. Partant de la philosophie de Brillat-Savarin jusqu'au manifeste de la Nouvelle Cuisine d'Henri Gault et Christian Millau, Onfray promeut la recherche culinaire au rang de philosophie et de discipline artistique. Il s'exprime à ce propos en termes d' « esthétique de l'éphémère ». Citant l'oeuvre de Marcel Duchamp ou encore celle de Daniel Spoerri, il compare l'art du cuisinier aux Beaux-arts. La matière gastronomique, culinaire, se révèle comme « support à manifestation esthétique » au même titre que « les gestes, les objets, les mots, les attitudes, les silences, les signes ».

Enfin, présidant la réflexion et l'analyse que convoque un tel sujet, l'ange hédoniste dont se réclame Michel Onfray invite à la reconnaissance et à la célébration du corps. En guise de réponse argumentée à la problématique suivante : « Quel corps pour une philosophie hédoniste ? Quelle chair pour une pensée voluptueuse ? Quel matériau pour une subjectivité qui veut et revendique la jubilation ? », l'auteur confie qu' « il faut une anatomie extravagante, une physiologie écorchée capable d'enregistrer les moindres variations, les plus imperceptibles mouvements. Le bâti du sujet singulier qui s'avance près des brasiers où se consument les existences est fragile à l'extrême, c'est là toute sa force [...] Le corps hédoniste est donc d'une hypersensibilité que d'autres disent maladive pour la raison que leur cuir épais, bronzé, leur fait ignorer ce qui, même dans l'infinitésimal, peut briser. »



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